Le ministre François-Philippe Champagne a déposé un premier budget très attendu, le 4 novembre, dans un contexte d’incertitude économique directement liée aux tensions commerciales entre le Canada et les États-Unis.
L’ampleur du déficit (78,3 G$), des compressions (60 G$ sur cinq ans) et des investissements dans le logement, les infrastructures, la défense, la productivité et la compétitivité (280 G$ sur cinq ans) ont bien entendu retenu l’attention.
Les « économies » de 15 % générées par l’examen des dépenses de tous les ministères ne se feront pas sans heurt. Ces compressions chez Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) amplifieront l’actuel sous-financement du secteur. Rappelons que les gouvernements à travers le monde consacrent en moyenne 2 % de leurs dépenses à leur agriculture, alors que le soutien canadien ne dépasse toujours pas 1 %.
Plus concrètement, AAC mettra progressivement fin à certains programmes, comme Solutions agricoles pour le climat – Laboratoires vivants, qui finance actuellement 14 projets à travers le Canada, dont deux au Québec. Cette décision est très décevante, l’approche « laboratoire vivant » permettant aux producteurs de prendre part au processus d’innovation. Les connaissances et compétences acquises sont ensuite partagées avec d’autres producteurs et intervenants du secteur agricole.
Parmi les mesures positives à signaler, mentionnons la bonification des programmes Agri-stabilité et Agri-marketing, l’augmentation du budget de l’Agence canadienne d’inspection des aliments ainsi que le rétablissement de l’incitatif à l’investissement accéléré, qui permet une déduction bonifiée la première année pour la plupart des immobilisations.
Le budget du programme de paiements anticipés sera lui aussi bonifié afin d’augmenter temporairement à 500 000 $ le montant sans intérêt dans le secteur du canola pour les années de programmes 2025 et 2026. Le montant de 250 000 $ est maintenu en 2025 pour les autres productions, mais aucune confirmation n’a été faite pour l’année 2026, malgré les demandes du secteur.
Le ministre Champagne a insisté sur le fait que l’incertitude actuelle menace « notre souveraineté, notre prospérité et nos valeurs ». On peut donc comprendre l’importance, pour tous les intervenants économiques au pays, d’être solidaires et de participer à la transition proposée. La participation pleine et entière du secteur agricole nécessite toutefois un plan d’action structuré pour soutenir la croissance.
Ce plan doit s’appuyer sur des budgets suffisants, favoriser la diversification des marchés, protéger intégralement la gestion de l’offre, actualiser les programmes de gestion des risques de l’entreprise, s’attaquer aux enjeux de main-d’œuvre (locale et étrangère) et appuyer fortement les initiatives des petites et moyennes entreprises. Les mégaprojets, c’est bien, mais la très grande majorité des entreprises agricoles au pays ne correspond pas à ce vocable.
L’agriculture et la transformation alimentaire sont des moteurs économiques importants (541 000 emplois dans toutes les régions au pays; apport au PIB de 67 G$ en 2024, soit cinq fois plus que le secteur automobile). Elles sont aussi des composantes essentielles de la sécurité alimentaire des Canadiens et des exportations du pays à l’étranger (le Canada se classe au neuvième rang des plus grands exportateurs de produits agroalimentaires au monde). Il est impératif de pouvoir compter sur un gouvernement prêt à continuer de protéger et de soutenir cette contribution exceptionnelle.