Passer au menu Passer au contenu

Vous êtes sur le Site provincial, mais nous vous avons localisé dans la région : ###detected_region###

Diffamation, harcèlement et intimidation en milieu agricole : pour bien connaître vos droits et vos recours!

Publié le 1 mars 2020 - Écrit par BHLF Avocats

Catégorie :

  • Producteur/Productrice
  • Publications juridiques

Télécharger le guide (pdf) Ce lien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre

Cette publication a pour but d’informer les producteurs sur les concepts juridiques de ces enjeux et de proposer des outils ou avenues pour réagir aux différentes situations qui peuvent se présenter. Il aborde notamment la notion d’introduction par effraction sur la propriété privée et les recours possibles tant en matière civile que criminelle.

La diffamation, c’est quoi?

De façon générale, la diffamation consiste dans la communication de propos ou d’écrits qui font perdre l’estime ou la considération de quelqu’un ou qui suscitent à son égard des sentiments défavorables ou désagréables. Des propos pourront s’avérer diffamatoires en raison de ce qu’ils expriment expressément, mais également pour ce qu’ils insinuent, par exemple par ironie ou association de faits. L’appréciation de la nature diffamatoire de propos ciblés s’effectue selon une norme objective. Ainsi, il faut se demander si un citoyen ordinaire estimerait que les propos tenus, pris dans leur ensemble, déconsidèrent la réputation de la personne qu’ils ciblent. Ce faisant, tout propos critique ou défavorable ne sera pas automatiquement jugé diffamatoire : chaque cas doit être examiné selon les circonstances qui lui sont propres.

Et qu’en est-il du harcèlement et de l’intimidation?

Les tribunaux définissent le harcèlement comme une conduite vexatoire caractérisée par la répétition d’actes ou de paroles ou par des comportements qui sont intentionnellement offensants, méprisants ou hostiles à l’égard d’une personne ou de plusieurs personnes et qui entraînent des conséquences qui leur sont nuisibles.

Le harcèlement est fondé sur une conduite – dans le sens général du terme – par opposition à la diffamation qui, elle, résulte des propos tenus par une personne.

L’intimidation est définie par le Dictionnaire de droit québécois et canadien comme étant une infraction par laquelle une personne, dans le but de forcer illégalement une autre personne à poser des actes ou à s’abstenir de le faire, use notamment de violence envers elle ou envers sa famille, endommage ses biens, la suit avec persistance d’un endroit à un autre ou cerne sa résidence ou le lieu de son travail.

Et la liberté d’expression?

Au Québec, toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation. Ces protections sont enchâssées à même le Code civil du Québec et la Charte des droits et libertés de la personne. Ces droits doivent toutefois être conciliés avec les autres droits dont toute personne est titulaire, dont la liberté d’expression. Ainsi, le droit à la liberté d’expression doit s’exercer dans le respect du droit à la sauvegarde de la réputation, et vice-versa. Le rôle des tribunaux est donc de concilier l’équilibre entre ces deux droits et non pas de se faire arbitres en matière de courtoisie, de politesse ou de bon goût.

Quels sont les objectifs visés par un recours civil?

Un recours en diffamation, pour harcèlement ou pour intimidation, peut viser à faire condamner son auteur :

  • à cesser les gestes reprochés et/ou à retirer les propos diffamatoires;
  • à débourser une somme d’argent sous forme de dommagesintérêts compensatoires et/ou de dommages punitifs;
  • à publier des excuses.

Que faut-il démontrer pour avoir gain de cause?

Pour avoir gain de cause, la partie demanderesse doit prouver une faute, un préjudice, ainsi que l’existence d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice allégué.

Faute

La faute résulte d’une conduite qui s’écarte de la norme de comportement qu’adopterait une personne raisonnable. C’est, par exemple, une conduite malveillante par laquelle une personne, sciemment, de mauvaise foi, ou avec l’intention de nuire, s’attaque à la réputation de la victime ou encore une conduite négligente par laquelle une personne porte atteinte à la réputation d’une autre par négligence, témérité ou incurie.

Il peut y avoir diffamation si l’auteur prononce des propos désagréables à l’égard d’une personne, tout en les sachant faux ou s’il tient des propos défavorables, mais véridiques à l’égard d’un tiers, de façon médisante et sans justes motifs. La communication d’une information, qu’elle soit vraie ou fausse, peut être diffamatoire.

Préjudice

Il s’agit du dommage que subit la victime. Il peut s’agir d’un dommage matériel (perte de revenus), moral (stress ou anxiété) ou corporel (blessure physique). Pour qu’un préjudice existe, il faut que les propos soient jugés diffamatoires aux yeux d’un citoyen ordinaire.

Lien de causalité

La personne doit démontrer un lien entre la faute et le préjudice subi, soit la relation de cause à effet entre le préjudice et la faute commise.

Délais pour intenter un recours

Diffamation Harcèlement ou intimidation

Un an à compter du jour où vous avez eu connaissance des propos diffamatoires tenus. Cependant, ce délai est de trois mois si les propos sont publiés dans un journal.

Il n’est pas possible, peu importe le montant réclamé, de poursuivre devant la division des petites créances de la Cour du Québec.

Devant la Cour du Québec si l’enjeu est de moins de 85 000 $*.

Devant la Cour supérieure si l’enjeu est de 85 000 $* et plus.

Trois ans à compter du jour du comportement fautif.

Devant la division des petites créances de la Cour du Québec si l’enjeu est de 15 000 $* ou moins.

Devant la Cour du Québec si l’enjeu est de moins de 85 000 $*.

Devant la Cour supérieure, si l’enjeu est de 85 000 $* et plus.

*Ces seuils sont sujets à changement.

Comment réagir à la diffamation, au harcèlement ou à l’intimidation?

Si vous êtes victime de diffamation, de harcèlement ou d’intimidation, il s’avère important de conserver les preuves qui attestent du harcèlement ou des propos diffamatoires ou encore des gestes d’intimidation qui ont été tenus à votre endroit. À cet égard, il est recommandé de rédiger un aide-mémoire des événements. Notez par écrit la suite des événements afin de pouvoir, au besoin, vous les remémorer ultérieurement, par exemple pour votre témoignage au tribunal. Aussi, prenez des photos des éléments qui pourraient servir à faire la preuve de vos dommages.

Vous pouvez également :

  • communiquer avec votre fédération régionale ou votre fédération spécialisée pour leur faire part de votre situation et prendre conseil;
  • consulter un conseiller juridique pour bien déterminer quelles sont vos meilleures options.

Selon chaque cas particulier, nous vous présentons ci-dessous une liste non exhaustive de moyens qui pourraient être envisagés pour faire cesser l’intimidation, la diffamation ou le harcèlement avant d’entreprendre une action en justice. Chaque situation est accompagnée d’un cas de jurisprudence pour illustrer la manière dont les tribunaux ont tranché une question similaire. Sachez cependant qu’en milieu agricole, très peu de décisions ont été rendues en cette matière.

Propos diffamatoires sur le web et les réseaux sociaux

  • Utilisez la fonction « Bloquer » pour empêcher la personne de consulter votre profil;
  • Après avoir effectué des captures d’écran des propos diffamatoires, signalez ceux-ci aux modérateurs de la page Internet ou de la plateforme de médias sociaux (Facebook, Twitter, Instagram, etc.), lesquels peuvent parfois intervenir pour retirer des publications de leur plateforme, ou encore pour supprimer le compte d’un titulaire qui adopte la conduite dénoncée;
  • Personnalisez vos paramètres de confidentialité de façon à ce que certaines personnes ne puissent pas avoir accès à toutes les informations qui vous concernent;
  • Évitez de répondre aux auteurs de tels propos. Lorsque ces personnes n’obtiennent pas de réaction, elles peuvent cesser de transmettre des messages;
  • Transmettez une mise en demeure à l’auteur de ces propos afin qu’il s’excuse ou se rétracte de façon publique avec ou sans demande de dommages-intérêts;
  • Contactez le service de police de votre municipalité et portez plainte si ces propos peuvent être considérés comme violents ou mettant votre vie ou votre sécurité en danger.
     

Jurisprudence

Skene c. Sanatorium historique Lac-Édouard, 2017 QCCS 5992

Un citoyen publie de nombreux commentaires sur Facebook et fait de multiples plaintes sans fondement à diverses autorités gouvernementales à l’encontre d’un producteur agricole, notamment en insinuant qu’il arrose ses fraises avec de l’eau polluée, exploite des travailleurs étrangers et empoisonne les oiseaux. Dans cette affaire, le tribunal retient que M. Skene a agi avec l’intention de nuire au défendeur en proférant mensonges, en faisant des insinuations et en causant de l’embarras. Pour avoir tenu ces propos diffamatoires, il est condamné à payer la somme de 57 932,03 $ à titre de dommagesintérêts intentionnels, avec intérêts et l’indemnité additionnelle.

Lapensée-Lafond c. Dallaire, 2014 QCCQ 12943

Si l’atteinte est illicite et intentionnelle, la publication de messages diffamatoires et mensongers au sujet d’une personne sur un réseau social constitue une diffusion justifiant l’octroi de dommages punitifs en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne.

Propos diffamatoires sur une affiche

  • Contactez votre municipalité afin de savoir si une telle affiche est permise et conforme aux règlements municipaux. En cas d’infraction, la municipalité peut imposer une amende et pourrait exiger le retrait de l’affiche problématique;
  • Transmettez une mise en demeure à l’auteur de ces propos afin qu’il s’excuse ou se rétracte de façon publique avec ou sans demande de dommages-intérêts.

Jurisprudence

Municipalité de Saint-Elzéar c. Marcel Vallée, QCCM Sainte-Marie

Un citoyen mécontent des bruits et des odeurs provenant de la ferme porcine de ses voisins s’est vu condamné à une amende et des frais totalisant 739 $ pour son affiche de protestation jugée illégale. L’affiche en question ne respectait pas les dimensions et les distances prévues au règlement de zonage de la municipalité. Le tribunal a aussi délivré une ordonnance d’enlèvement permettant à la municipalité de retirer l’affiche aux frais de son propriétaire, si celui-ci ne la retirait pas lui-même dans les 15 jours du jugement. Notez toutefois que le juge ne s’est pas prononcé sur le caractère diffamatoire ou non des propos. La décision est uniquement basée sur le règlement de zonage de la municipalité qui spécifie des dimensions pour des affiches installées sur des terrains privés.

Propos diffamatoires dans un journal ou dans un média électronique

  • Transmettez une mise en demeure à l’auteur des propos afin qu’il s’excuse ou se rétracte de façon publique avec ou sans demande de dommages-intérêts;
  • S’il s’agit d’un article publié dans un journal, transmettez au journal un avis préalable de trois jours non fériés avant d’intenter une poursuite. Si le journal, dans le numéro publié le jour ou le lendemain du jour qui suit la réception de cet avis, se rétracte d’une manière complète et justifie de sa bonne foi, seuls les dommages-intérêts en réparation du préjudice réellement subi peuvent être réclamés. De plus, le délai pour poursuivre est de trois mois à compter de la publication de l’article ou de la connaissance de la publication, pourvu que dans ce dernier cas, l’action soit intentée dans un délai d’un an du jour de la publication de l’article.

Jurisprudence

Gélinas c. Savignac, 2004 CanLII 19433 (QC CS) Les propos « les citoyens qui sont aux prises avec un agriculteur malicieux, égocentrique et malhonnête, devront-ils toujours faire appel à la justice pour enfin vivre en harmonie dans un secteur agricole? » formulés dans une lettre ouverte dénonçant le projet de porcherie d’un producteur agricole n’ont pas été jugés diffamatoires. Dans cette affaire, le tribunal note à propos du producteur agricole ciblé par les propos qu’il a lui-même souvent eu recours « aux médias, d’une façon agressive et à l’occasion proférant des invectives » relativement au même projet. Le tribunal rajoute que « lorsqu’on défend vigoureusement un projet qui nous tient à cœur, publiquement et souvent avec des paroles et des gestes qui peuvent blesser, on doit s’attendre à ce que l’autre côté nous blesse aussi à l’occasion ». Bien que les propos dans l’affaire suivante ne soient pas en lien avec le monde agricole, nous vous les présentons à titre d’exemple de propos jugés diffamatoires.

Blouin c. Limoges, 2010 QCCS 5319

Le tribunal a retenu la responsabilité d’un journal et de son éditeur (et unique journaliste) qui ont publié que des conseillers municipaux de Sainte-Anne-des-Plaines étaient « des magouilleurs, des politicailleurs minables et sans scrupule, des profiteurs qui abusent des fonds publics, des élus qui font du patronage, qui font partie de la petite mafia et dont la conduite s’assimile à celle du scandale des commandites ayant fait l’objet de l’enquête Gomery». Pour avoir publié ces propos diffamatoires, ils ont été condamnés solidairement à payer un total de 120 000 $ à titre de dommages moraux et un total de 21 000 $ à titre de dommages punitifs.

Les introductions par effraction

La section qui suit présente plus précisément les droits et recours des producteurs en cas d’introduction illégale dans leur ferme par des manifestants ou des activistes.

Droit civil

Les manifestants ou activistes qui s’introduisent illégalement dans des fermes enfreignent le droit de propriété. Le droit de propriété est un droit à la fois reconnu par l’article 947 du Code civil du Québec et enchâssé dans la Charte des droits et libertés de la personne (Charte). Cette dernière prévoit à l’article 6 que toute personne a droit à la jouissance paisible de ses biens.

La Charte protège également d’autres droits qui peuvent être enfreints lorsqu’un producteur subit une intrusion sur sa propriété, soit les droits à la vie privée et à l’inviolabilité de sa demeure. Les articles 5 et 7 de la Charte prévoient en effet que toute personne a droit au respect de sa vie privée et que la demeure est inviolable.

Droit criminel

Introduction par effraction

En s’introduisant dans une ferme, les manifestants peuvent également commettre l’infraction prévue à l’article 348 du Code criminel, soit l’introduction par effraction.

Ainsi, une personne qui s’introduit par effraction dans un endroit avec l’intention de commettre une infraction ou qui en commet effectivement une est passible, comme peine maximale, de l’emprisonnement à perpétuité si l’infraction est commise relativement à une maison d’habitation et d’un emprisonnement de dix ans si l’infraction est commise relativement à tout autre endroit. Le tribunal peut aussi lui imposer une amende. Même s’il est recommandé de garder vos bâtiments verrouillés en tout temps, l’infraction criminelle peut être commise, peu importe que les portes soient verrouillées ou non.

Autres infractions criminelles

Dans le cadre d’une manifestation dans une ferme, les infractions suivantes pourraient aussi être commises :

  • troubler la paix;
  • commettre un méfait (détériorer un bien ou gêner l’exploitation légitime d’un bien);
  • participer à un attroupement illégal;
  • dissimuler son identité au cours d’un attroupement illégal;
  • se déguiser dans un dessein criminel;
  • commettre des voies de fait;
  • porter une arme dans un dessein dangereux;
  • entraver le travail d’un agent de la paix.

Jurisprudence

R. c. Krajnc, 2017 ONCJ 281

Dans cette affaire survenue en Ontario, une activiste végane a été accusée de méfait pour avoir abreuvé des cochons dans un camion arrêté à un feu rouge. Le tribunal l’a trouvée non coupable puisque la Couronne n’est pas parvenue à démontrer hors de tout doute raisonnable qu’en agissant ainsi elle avait empêché, interrompu ou gêné l’emploi, la jouissance ou l’exploitation légitime d’un bien.

Comme en matière de diffamation, il y a très peu de jurisprudence sur le sujet d’introduction par effraction en milieu agricole. La décision suivante est une décision récente qui illustre la problématique qui peut être présentée devant le tribunal à la suite d’une introduction par effraction et confirme notamment l’obligation des manifestants de s’identifier à la police.

Marsan c. Ville de Montréal (SPVM), 2019 QCCQ 6327

Lors d’une manifestation organisée pour soutenir la cause du logement social, une foule d’approximativement 100 personnes s’engouffre dans l’ancien Hôpital Viger. Répondant à un appel pour intrusion par effraction, la police exige des manifestants qu’ils s’identifient avant de sortir de l’immeuble, considérant qu’ils sont entrés par effraction sur une propriété privée et qu’il y a des motifs raisonnables de croire que des méfaits ont été commis. Invoquant la liberté d’expression et le fait qu’ils auraient été détenus dans un immeuble contre leur gré, les manifestants intentent un recours en dommages contre la Ville.

Le tribunal rejette la réclamation et affirme que l’exigence des policiers de s’identifier en sortant n’a rien de déraisonnable et ne brime d’aucune façon le droit de manifester des participants. De plus, même si les portes de l’immeuble étaient ouvertes, les manifestants savaient qu’il s’agissait d’une propriété privée et qu’ils n’avaient pas le droit d’y entrer. En s’introduisant à l’intérieur du bâtiment, les manifestants commettaient une introduction par effraction.

Les recours

Dans le cas où des manifestants s’introduisent par effraction dans votre ferme et causent des dommages, des recours civils et criminels peuvent être envisagés.

Recours en responsabilité civile

Il est possible d’intenter un recours en responsabilité civile contre une personne qui se serait introduite dans votre propriété sans votre accord. Comme en matière de harcèlement, pour avoir gain de cause, vous devrez prouver une faute, un préjudice, ainsi que l’existence d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice allégué. À cet égard, référez-vous à la section précédente Que faut-il démontrer pour avoir gain de cause?

Un tel recours pourrait être intenté contre un activiste en particulier, contre plusieurs ou contre l’association qui représente le groupe, si le groupe a une personnalité juridique distincte. Dans ce dernier cas, il est sage de s’assurer que l’association a bien une existence légale au Canada et les fonds nécessaires pour honorer un jugement qui la condamnerait à payer une somme d’argent.

Recours en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne

Lorsqu’il y a violation d’un droit reconnu par la Charte, des sommes peuvent être réclamées pour des dommages-intérêts punitifs ou exemplaires en plus des sommes pour les dommages subis. Ils peuvent être attribués à une personne physique ou à une personne morale, comme une compagnie.

Des dommages-intérêts punitifs ou exemplaires sont des sommes qui sont attribuées à la victime à titre de réparation et qui ont pour objectif principal de punir le comportement fautif et répréhensible de son auteur. Ils ont pour but de prévenir et de décourager les conduites non souhaitables.

Selon les circonstances, un producteur qui subit un dommage (matériel, psychologique ou corporel) pourrait donc réclamer des sommes non seulement pour les dommages subis, mais il pourrait aussi réclamer des sommes supplémentaires sous la forme de dommages-intérêts punitifs ou exemplaires.

Pour que de tels dommages soient accordés par le tribunal, l’atteinte doit être illicite et intentionnelle. Dans le cas d’une introduction par effraction par des activistes dont les agissements semblent pacifiques, il pourrait toutefois être difficile de démontrer l’intention de causer des dommages.

Plusieurs décisions ont été rendues sur cet aspect dont les suivantes :

Jurisprudence

Montréal (Ville de) c. Cipollone, 2014 QCCQ 4917

Le tribunal a condamné conjointement des personnes ayant participé à une émeute et causé des dommages matériels à payer des dommages exemplaires de 5 000 $ chacun, afin d’envoyer un message clair à tous pour le futur.

Construction Norfor c. Boulianne, 2016 QCCS 1826

Le tribunal a considéré que s’introduire illégalement dans la propriété d’autrui en brisant un cadenas et en y effectuant des travaux sans permission enfreint les articles 6 et 8 de la Charte qui protègent la jouissance paisible des biens et le respect de la propriété privée. En plus d’ordonner aux demandeurs de compenser les dommages causés, le tribunal les a condamnés à payer un montant de 3 000 $ à titre de dommages-intérêts punitifs afin de punir leur conduite fautive, malicieuse et intentionnelle.

Recours criminel ou pénal

Le processus judiciaire en matière criminelle est quelque peu différent de celui au civil. À l’exception du cas rarissime de la plainte privée (très exceptionnellement, un citoyen peut déposer lui-même une plainte en matière criminelle), les accusations criminelles et pénales sont déposées par un procureur aux poursuites criminelles et pénales. Ce procureur évalue si la preuve recueillie est suffisante pour porter des accusations et c’est à lui de choisir les chefs d’accusation qu’il veut porter. S’il estime que la preuve est insuffisante, il peut fermer le dossier ou demander une enquête complémentaire.

Si le producteur craint pour des motifs raisonnables que des activistes ne s’introduisent à nouveau dans sa propriété, qu’ils mettent sa vie ou celle de sa famille en danger ou encore qu’ils n’endommagent sa propriété, il pourrait demander à la Cour d’ordonner que les personnes concernées contractent un engagement de ne pas troubler l’ordre public. Selon les circonstances, cet engagement pourra prévoir l’obligation de ne pas troubler l’ordre public et d’avoir une bonne conduite, l’interdiction de se trouver dans un rayon particulier de la propriété du producteur, l’interdiction de communiquer avec le producteur et sa famille ou de s’approcher de ces derniers, l’interdiction de porter des armes, etc.

Jurisprudence

R. c. McQueen, 2022 QCCQ 2801.

Onze militants anti-spécistes qui avaient fait un sit-in dans une ferme porcine ont été reconnus coupables d’entrée par effraction ayant causé des méfaits et d’entrave au travail d’un policier. Le tribunal n’a pas retenu leur défense basée sur la liberté d’expression (selon leurs prétentions, entrer dans la porcherie était la seule manière pour eux de montrer et de dénoncer les conditions d’élevage des animaux) et a soutenu que les coaccusés auraient pu faire valoir leur droit dans un lieu public.

Activistes en milieu agricole

Comment réagir?

Si des activistes se sont introduits dans votre propriété

  • Demandez calmement, mais fermement au porte-parole ou au responsable du groupe de quitter votre propriété en invoquant notamment le droit de propriété et les règles de biosécurité;
  • Composez le 911 afin que le service de police intervienne si les activistes refusent d’obtempérer, si ces personnes mettent en danger votre sécurité ou celle de vos employés, ou encore, si elles endommagent votre propriété;
  • Communiquez avec votre président régional;
  • Prenez des photos et des enregistrements numériques;
  • Prenez des notes pour vous rappeler le fil des événements.

Si une manifestation a lieu sur la voie publique, devant votre propriété

  • Faites appel au service de police si la manifestation nuit à la circulation ou met en danger votre sécurité, ou celle des personnes qui circulent sur la voie publique;
  • Si vous anticipez la tenue d’une manifestation, contactez votre municipalité pour l’en informer et savoir si les manifestations sont réglementées sur votre territoire. Demandez que le service de police surveille la situation à la date prévue, si celle-ci est connue.

Quelles sont les mesures préventives
à adopter pour un producteur?

  • Apposez des affiches concernant la propriété privée, l’interdiction
    d’entrer sans permission et les règles de la biosécurité sur vos
    bâtiments et/ou en bordure de vos champs;
  • Installez un système de caméras de surveillance (intérieur et extérieur);
  • Restreignez les entrées et verrouillez les bâtiments si possible;
  • Utilisez un registre des visiteurs comprenant une politique encadrant
    leur présence sur les lieux à accès restreint;
  • Mettez en œuvre les meilleures pratiques et formez vos employés
    sur le bien-être animal;
  • Questionnez vos candidats sur ce qui les motive à travailler
    à votre ferme;
  • Ajoutez une clause à vos contrats d’embauche prévoyant l’interdiction
    de capter des images sans autorisation;
  • Vérifiez les références de vos employés.

 

Diffamation, harcèlement et intimidation en milieu agricole : pour mieux connaître vos droits et vos recours!

Télécharger le guide (pdf) Ce lien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre

Ce guide se veut être un outil de référence pour les producteurs et productrices agricoles et forestiers quant à la diffamation et au harcèlement en milieu agricole. Il ne constitue pas une opinion, un conseil ou un avis juridique.

En cas de doute, vous pouvez vous adresser à la Direction des affaires juridiques de l’UPA en composant le 450 679-0251.

 

 

Nouvelle récente

Voir toutes les nouvelles