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La Bourse du carbone : une politique qui punit injustement le secteur agricole

Publié le 22 mai 2025 - Écrit par l'UPA

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Les producteurs agricoles québécois ne nient en rien l’urgence climatique. Nous sommes pleinement conscients de la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et d’opérer une transition énergétique rapidement. Nous comprenons aussi la responsabilité collective que nous avons en ce sens et nous fournissons plusieurs efforts pour y contribuer. Cependant, nous constatons que le système actuel de plafonnement et d’échange des émissions, communément appelé la Bourse du carbone, n’encourage en rien cette transition. Il surtaxe nos activités, sans améliorer réellement la situation environnementale du Québec.

Depuis 2015, les producteurs agricoles québécois ont payé plus de 480 millions de dollars en frais refacturés liés à la Bourse du carbone. Ce montant faramineux n’a été accompagné d’aucune amélioration significative des conditions pour réduire nos émissions. Pourquoi? Parce que dans nos réalités agricoles, il n’existe actuellement aucune alternative viable à l’utilisation de carburants fossiles comme le diésel pour les tracteurs, le propane ou le gaz naturel pour le séchage des grains, le chauffage des bâtiments d’élevage ou des serres. Nous sommes donc pris en étau : taxés lourdement, sans possibilité concrète de faire autrement.

Pendant ce temps, les producteurs des autres provinces et des États-Unis poursuivent leurs activités sans avoir à payer ces coûts supplémentaires. Un producteur agricole québécois doit assumer un surcoût associé au SPEDE de 12,58 cents par litre de diesel, 6,48 cents par mètre cube de gaz propane et 7,93 cents par mètre cube de gaz naturel par rapport à un producteur ontarien. Cela équivaut à environ 10% de plus que nos acolytes ontariens pour le diésel et environ le quart de la facture pour le propane et le gaz naturel. En moyenne, chaque ferme québécoise paie entre 8 000 $ et 10 000 $ de plus par année de plus que ces compétiteurs, uniquement à cause de ce système. Dans plusieurs secteurs de production agricole, cette somme est bien plus élevée, et ce, dans un contexte économique déjà fragilisé. Ottawa comprend ainsi une évidence que Québec refuse d’admettre : le secteur agricole ne peut pas absorber ce fardeau supplémentaire, un fardeau qui s’ajoute aux autres enjeux économiques, territoriaux et climatiques dénoncés depuis plus d’un an.

Le gouvernement provincial reconnaît lui-même le principe et l'existence d’un déséquilibre compétitif dans certains secteurs d’activité économique. Ainsi, les grandes raffineries comme Suncor et Valero bénéficient d’exemptions couvrant plus de 96% des crédits1 qu’elles devraient autrement acquérir. Il est incohérent que le gouvernement provincial accorde ce type d’allégement à l’industrie pétrolière, mais pas au secteur agricole alors que les enjeux de Montérégicompétitivité sont similaires.

Plutôt que d’être un incitatif à la réduction des émissions, le système québécois agit actuellement comme un outil fiscal déguisé. Il manque sa cible et les premiers à en payer le prix sont ceux qui n’ont ni les moyens technologiques, ni les leviers économiques pour agir autrement.

Il est temps que le gouvernement du Québec reconnaisse que pour le secteur agricole, la bourse du carbone, dans sa forme actuelle, ne fonctionne pas. Elle nuit à la compétitivité de notre agriculture, aggrave les inégalités économiques dans un secteur vital pour l’autonomie alimentaire du Québec et détourne l’attention des véritables solutions pour lutter contre les changements climatiques.

Nous appelons le gouvernement à agir avec cohérence, responsabilité et équité. La transition énergétique ne peut pas reposer sur des politiques qui punissent les producteurs agricoles et les discriminent par rapport à leurs collègues nord-américains, sans pour autant offrir d’alternatives. Elle doit s’appuyer sur des mécanismes concrets, transparents et adaptés aux réalités du terrain.

Jérémie Letellier
Président régional
Fédération de l’UPA de la Montérégie


1 Donnée de 2022, Rapport d’étude de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie HEC Montréal, Estimation des allocations gratuites des droits d’émissions de GES des entreprises québécoises dans le SPEDE.