Dans une première chronique sur les cours d’eau, paru dans La Terre de chez nous du 18 juin, nous vous avons présenté les notions de base sur les cours d’eau et les conditions dans lesquelles la responsabilité de la municipalité régionale de comté (MRC) pouvait être engagée selon les articles 103 à 109 de la Loi sur les compétences municipales.
Dans cette prochaine rubrique, nous allons aborder les recours des propriétaires ou occupants d’un terrain lorsqu’un cours d’eau est obstrué.
La possibilité d’une compétence partagée
Les articles 105 à 109 de la Loi sur les compétences municipales confèrent aux MRC la compétence en matière de gestion des cours d’eau. Toutefois, en vertu de l’article 107 de cette loi, une entente peut être conclue entre une MRC et ses municipalités pour lui confier la responsabilité quant à l’application des règlements, le recouvrement des créances et la gestion des travaux portant sur les cours d’eau.
La première étape consiste donc à aviser l’organisme responsable. Cet avis ne doit pas forcément provenir du propriétaire ou occupant du terrain, mais peut émaner de toute personne ayant connaissance de l’obstruction. Cet avis doit contenir suffisamment d’informations pour que l’organisme responsable puisse savoir où est située l’obstruction, et de quelle manière elle porte atteinte à la sécurité des personnes ou des biens.
Le devoir d’intervention de la MRC
La jurisprudence a interprété l’article 105 de la Loi sur les compétences municipales comme créant une véritable obligation pour la MRC : une fois informée d’une obstruction présentant un danger pour la sécurité des personnes ou des biens, la MRC ne dispose d’aucune discrétion et doit agir. Si elle néglige de le faire, le propriétaire ou l’occupant touché dispose de moyens juridiques pour la contraindre à intervenir.
À la suite du signalement de l’obstruction à la MRC, la prochaine étape consiste à lui envoyer une mise en demeure. À défaut d’une réponse de la MRC ou si aucune entente n’est conclue entre les parties, le propriétaire ou occupant du terrain peut s’adresser aux tribunaux pour déposer un recours de type mandamus, également appelé pourvoi en contrôle judiciaire, afin d’exiger l’exécution de l’obligation.
En cas de faute du propriétaire
Il peut arriver que l’obstruction ait été causée par un particulier, par exemple en érigeant une structure ou en modifiant le lit du cours d’eau. Dans ce cas, la MRC doit tout de même intervenir pour corriger la situation, mais elle est en droit de réclamer les frais engagés à la personne responsable.
À ce titre, l’article 979 du Code civil du Québec stipule qu’un propriétaire ne peut empêcher l’écoulement naturel des eaux provenant du fonds supérieur vers le fonds inférieur. Cette « servitude d’écoulement des eaux » interdit donc toute intervention qui viendrait nuire à l’écoulement naturel entre terrains voisins. Un contrevenant pourrait ainsi s’exposer à une poursuite en responsabilité extracontractuelle.
Recours en dommages : des délais stricts à respecter
Lorsqu’un propriétaire ou occupant estime avoir été lésé par l’inaction de la MRC, un recours en dommages et intérêts peut être intenté contre cette dernière. Toutefois, ce recours est encadré par des délais précis.
Dans le cas d’une MRC ou d’une municipalité régie par le Code municipal du Québec, l’article 1112.1 prévoit qu’un avis doit être transmis dans les 60 jours suivant le préjudice, et que le recours judiciaire doit être intenté dans les six mois du préjudice.
Pour une ville régie par la Loi sur les cités et villes, le délai est encore plus court : un avis doit être donné dans les 15 jours suivant le préjudice, comme le prévoit l’article 585, paragraphe 2, de cette loi.
La date précise du préjudice a été interprétée par la jurisprudence comme étant celle où le demandeur a eu connaissance de l’existence d’un préjudice concret, l’identification d’une faute et l’établissement d’un lien de causalité entre cette faute et le préjudice subi. Ce n’est qu’à compter de la réunion de ces trois éléments que les tribunaux estiment que le délai de prescription commence à courir.
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